Stopover (Escale)
Il s’agit d’un film composé d’images fixes. Ces mêmes images sont issues de prises de vues argentiques et ont été réalisées dans la région du Berry durant une résidence de 3 mois.

A travers ce projet, je souhaite interroger le rapport que nous entretenons à la mémoire des images persistantes d’un espace inconnu et questionner le souvenir lorsqu’il devient tangible et manipulé.

Travaillant à la réalisation d’une banque d’images plutôt qu’à un travail sériel ou narratif, la mise à nu sous forme d’accrochage du rapport qu’entretiennent les images fixes entre elles a ensuite arrêté le choix des photos. Opérer un mouvement dans une image fixe, éprouver une durée, amputer un cadrage sont devenus les enjeux de cette expérimentation
 
Le fusil
Pour comprendre l’enjeu de ce travail, il faut savoir que celui-ci prend comme point de départ la proposition de Magali Lefebvre d’écrire un texte pour sa vidéo Stopover.
J’avais, comme simple déclencheur, ma connaissance de son travail précédent, et ce qu’elle pouvait me dire sur sa vidéo -qu’elle était en train de monter à ce moment-là.

Écrire un texte pour quelqu’un d’autre fût quelque chose de nouveau pour moi. Cela signifiait, tout d’abord, renoncer à l’idée d’« autofiction », très présente dans mes travaux d’écritures précédents (par exemple, dans la série de sept grandes affiches/banderoles (Voyages de noces), dans les textes de mes différents livrets (Claire-Lise Panchaud), dans les voix-off de mes vidéos (Un soir, je décide de rentrer à pied du travail, Bottens, A Aude…), pour passer au registre de la fiction

Cette idée de « commande » a également impliqué une notion de temporalité. En effet, à la première lecture de ma proposition, Magali Lefebvre a souhaité conserver le premier paragraphe qui lui semblait fonctionner avec ses images -tandis que le deuxième paragraphe lui paraissait beaucoup moins adéquat.

C’est à ce moment-là -en me demandant comment rebondir face à ce paragraphe « en trop »- que j’ai décidé que le texte devrait comporter plusieurs temps d’écritures et que je conserverais l’intégralité du texte -mais en barrant et en réécrivant les parties qui convenaient le moins.

Si je n’avais pas renoncé à la première personne du singulier, pour conserver une proximité avec le lecteur/spectateur, c’est dans cette seconde phase que j’ai barré les « e » du féminin, pour éviter tout amalgame entre la parole de mon narrateur et la parole de Magali Lefebvre. Et c’est en ayant vu, cette fois-ci, les images fixes ayant servi pour la vidéo, que cette seconde version a été écrite.

De ces différentes temporalités -et bien évidemment de la vidéo elle-même- a découlé l’idée de l’affiche. Car nous n’avions pas au départ décidé de la forme finale que prendrait ce texte (voix-off, sous-titre, affiche, lecture ?).
Au final, cette affiche seule s’intitule Le fusil et pourrait être une sorte d’introduction, ou d’introductions, à plusieurs affiches à venir ou à imaginer.

Dans le dispositif Incipit, elle fonctionne comme « pendant » à la vidéo, sans en être une illustration ou une explication. La relation entre ces deux formes, qui ne peuvent être vues dans le même temps, jouerait alors plus sur l’idée de mémoire et de réminiscence. Parce que, au final, elles traitent toutes les deux de ces notions et se lient l’une à l’autre par cet univers mental proche.
 
Réminiscence :
Retour à l’esprit d’une image dont l’origine (perception antérieure) n’est pas reconnue

« Nous n’employons, dans la plupart de nos raisonnements, que des réminiscences : c’est sur elles que nous bâtissons ; elles sont le fondement et la matière de tous nos discours. »
Connaissance de l’esprit humain. Vauven

« Qui dit réminiscence, en effet dit ressouvenirs confus, vagues flottants, incertains, involontaires. Un poète, qui en faisant des vers, imite un autre poète sans bien s’en rendre compte, et qui refait les hémistiches déjà faits, est dit avoir des réminiscences. On dirait très bien de quelqu’un dont la tête faiblit et qui ne gouverne plus bien sa mémoire : « Il n’a que des réminiscences, il n’a plus de souvenirs ». La réminiscence est en un mot un réveil fortuit de traces anciennes dont l’esprit n’a pas de conscience nette et précise. »
Nouvelles. Sainte Beuve.
Mémoire :
Faculté de conserver et de rappeler des états de consciences passées.

« Il me faut compenser l’absence par le souvenir. La mémoire est le miroir où nous regardons les absents. »
Pensées V. Joubert.

« Il y a deux mémoires profondément distinctes : l’une fixée dans l’organisme, n’est point autre chose que l’ensemble des mécanismes intelligemment montés qui assurent une réplique convenable aux diverses interpellations possibles… Habitude plutôt que mémoire. Elle joue notre expérience passée, mais n’en évoque pas l’image. L’autre est la mémoire vraie. Coexistence à la conscience, elle retient et aligne à la suite les uns les autres tous nos états au fur et à mesure qu’ils se produisent, laissant à chaque fait sa place et par conséquent lui marquant sa date… »
Matière et Mémoire. Bergson.
 
Incipit :
On nomme incipit le début d'un roman (du latin incipio, is, ere : « commencer »).
L'incipit répond généralement à trois caractéristiques. Il informe, intéresse et noue le contrat de lecture.
- Il informe en mettant en place les lieux, les personnages et la temporalité du récit.
- Il intéresse par divers procédés techniques, par exemple l'utilisation de figures de style ou encore en une entrée in medias res (le récit débute dans le feu de l'action).
- Il noue le contrat de lecture en indiquant au lecteur le code qu’il doit utiliser dans le cadre de sa lecture : il place différents signes annonciateurs du genre littéraire auquel il appartient.

Tiré de Wikipédia, l’encyclopédie libre.